L'histoire du club de football d'Avignon : Une saga de sociabilité, de sport et de transformations

L'histoire du football dans les campagnes françaises, et plus particulièrement dans le département du Vaucluse, est un récit fascinant de sociabilité, d'identité et de transformations sociales. Dès l'entre-deux-guerres, le stade de football est devenu un lieu central de la vie villageoise, un espace où se cristallisent les identités et se tissent des liens sociaux. Cet article explore l'histoire du club de football d'Avignon, en mettant en lumière son rôle dans la société vauclusienne, son évolution à travers les époques et les défis auxquels il a été confronté.

Les racines rurales du football en Vaucluse

Dans le Vaucluse, au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’essor du football est étroitement lié aux transformations socio-économiques locales. À partir des années 1920, et plus largement dans les années 1930, le football s’impose comme le « sport-roi au village », mobilisant une population majoritairement paysanne. Ces derniers pratiquent leur sport sur les pelouses naturelles des champs, souvent mis à disposition par des propriétaires locaux. L’implantation spatiale du football renvoie à la question de sa pérennité puisque la longévité de la plupart des pratiques culturelles tient à l’établissement de lieux spécifiques.

Durant l’entre-deux-guerres, les premiers matchs de football dans les campagnes vauclusiennes se déroulent fréquemment sur des prés transformés en terrains de sport. À cette époque, la recherche d’un terrain constitue une priorité pour les fondateurs des clubs sportifs nouvellement créés. Pour La Gazette sportive, hebdomadaire sportif vauclusien fondé en 1927, un terrain idéal se doit d’être plat pour minimiser les risques de blessures et favoriser un jeu fluide. Cependant, à la fin des années 1920, peu de clubs en Vaucluse disposent d’un tel espace. Hormis quelques exceptions comme Bollène, Vaison ou Pertuis, les terrains sont généralement des prés loués à des paysans ou prêtés gracieusement par des propriétaires. Ce manque d’infrastructures permanentes explique l’état médiocre des terrains, souvent étroits et accidentés, où les matchs favorisent davantage le jeu brutal que la finesse technique.

L’histoire du terrain du SC Jonquières illustre bien ces difficultés. De 1921 à 1951, le club ne possède aucun terrain attitré. Les pratiquants jouent « dans un pré, pas toujours le même, car il faut obtenir l’autorisation du propriétaire qui la donne que lorsque son pré est fauché de fraîche date. Les montants et les barres sont dressés à chaque match avec de simples cannes attachées avec des ficelles ». Le pré, en tant que premier terrain de football, est une réalité que l’on retrouve dans de nombreuses campagnes françaises de l’entre-deux-guerres.

Le stade, un lieu de sociabilité et d'identité villageoise

On constate que les espaces du football, tel le stade, sont bien souvent associés à des formes subtiles de sociabilité. Pour la majorité des dirigeants et des joueurs vauclusiens de l’entre-deux-guerres, la fonction « physique » du football ne semble pas être plus importante que sa fonction sociale, et par la plasticité du club comme institution sociale, sa capacité est alors de remplir des fonctions très différentes dans un contexte de modernisation économique et culturelle des campagnes. Définie comme « l’aptitude des hommes à vivre intensément des relations publiques », la sociabilité s’inscrit au cœur des dynamiques sociales qui façonnent le club de football et son stade comme des lieux privilégiés de rencontre et de partage.

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Le stade de football de Caromb, village agricole adossé au sud du Mont-Ventoux capitale mondiale de la production des plants de vigne pendant près d’un demi-siècle, constitue un révélateur des mutations de la sociabilité juvénile et villageoise au lendemain de la Première Guerre mondiale. En 1922, quatre jeunes hommes du village - Élie Courias, négociant, Marcel Roubin, cultivateur, Paulin Chave, cultivateur et Albert Ulpat, boulanger - fondent le Sporting-Club de Caromb, dans une démarche visant à répondre à des préoccupations sociales et éducatives. L’objectif explicite de cette initiative est de « déclarer la guerre aux bistrots et aux cercles où la jeunesse locale s’était laissée entrainer aux jeux d’argent ». En substituant le football à ces activités, les promoteurs du club ambitionnent d’encadrer la jeunesse locale et de canaliser ses énergies vers une pratique sportive structurée et fédératrice. L’émergence du stade de l’Euze s’inscrit dans cette dynamique de transformation sociale.

Si le café est le siège de l’activité administrative et festive des clubs, le terrain de football, quant à lui, devient un véritable lieu de rassemblement au village, mêlant spectateurs, supporters et curieux. La composition du public témoigne de l’intégration du football dans la vie quotidienne du village. À Sarrians, lors de la première édition de la Coupe de Vaucluse en 1920, on note la présence « de nombreuses dames et demoiselles », mettant en lumière le rôle des spectatrices comme ferventes admiratrices des exploits masculins. Le stade de football devient un lieu où les femmes contribuent à façonner une nouvelle sociabilité villageoise.

Le match de football au village peut attirer des foules considérables, dépassant parfois le cadre strictement sportif pour devenir un événement social. En 1929, le pré de la Gayère utilisé comme terrain de football par la Comète Sportive de Sarrians rassemble « 800 supporters » lors d’un match de Coupe de Provence tandis que le SC Orange compte, sur son terrain de l’Avenue de l’Arc, « à peine 400 personnes ». En Vaucluse, le village peut se mobiliser de manière beaucoup plus forte que la ville pour soutenir son équipe de football. Le stade n’est donc pas uniquement « un espace d’expression des communautés urbaines et provinciales, représentées par les sociétés sportives » et « supporteristes ». Le terrain de football rassemble souvent une grande partie de la communauté locale, faute de divertissements plus nombreux et variés.

L'âge d'or du football vauclusien : entre Vichy et les années 1950

Dans les années 1940 et 1950, le stade de football dans les villages vauclusiens dépasse sa simple fonction de terrain de sport pour devenir un véritable creuset de sociabilité où s’entrecroisent des dynamiques sociales, culturelles et économiques. Il devient un lieu de rassemblement, où le public, de plus en plus nombreux, joue un rôle crucial. Dans de nombreux villages du département, le terrain de football connaît un véritable succès populaire pendant les « années noires ». Peu de villages sont dépourvus d’un onze. En effet, avec l’interdiction des bals et de la chasse, le stade de football devient un des principaux lieux de divertissement au village. La pratique du football devient une échappatoire à la noirceur des temps.

En dépit des restrictions et des difficultés de déplacement, les gens trouvent un moyen de se rassembler et de partager autour de la passion du football. Une lettre de Marcel Ricard adressée à Edmond Chabert, requis pour le travail obligatoire en Allemagne, datée du 11 mai 1943, illustre l’importance cruciale du football au village pendant la Seconde Guerre mondiale, malgré le contexte difficile de l’Occupation. À travers son contenu, Marcel Ricard, président du SOC Villelaure, relate les matchs organisés avec enthousiasme et souligne leur importance pour maintenir le moral et la cohésion au sein de la communauté. Ces rencontres sportives apparaissent comme un véritable exutoire, permettant de transcender les épreuves de la guerre. Le terrain de football est présenté non seulement comme un espace de loisir, mais aussi comme un lieu de sociabilité essentiel entre les villageois, renforçant leur solidarité face à l’adversité.

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Ce sport réussi à attirer régulièrement un nombre significatif de spectateurs dans différents villages du département, ce qui montre à quel point ce sport prend une place croissante dans la culture locale dans les années 1940. À la fin de l'année 1940, il y a environ un millier de spectateurs au stade Ulysse Fabre de Vaison-la-Romaine. Au stade Roumagoux d’Oppède, le public rassemble plus de 500 personnes entre 1941 et 1943. Dans le contexte du régime de Vichy puis de l’Occupation, le stade de football au village devient un lieu essentiel pour « l’engagement communautaire et parmi les rares endroits où les gens ordinaires peuvent faire l’expérience de la normalité ». Même après la guerre, l’engouement pour le stade de football ne semble pas faiblir. Dans les années 1950, alors que les stades des clubs professionnels subissent une crise marquée par une chute de moitié du nombre de spectateurs, le stade de football au village continue d’attirer les foules.

À la fin des années 1950, le stade de football de Lourmarin accueille Albert Camus, prix Nobel de littérature en 1957. Véritable amateur du ballon rond, il ne « manque ni un match, ni une séance d’entrainement » de la Jeunesse Sportive Lourmarinoise. Installé « sur la touche » du stade Raoul Dautry, il observe avec enthousiasme les joueurs évoluer sur le terrain, partageant leur plaisir du jeu et leurs éclats de rire.

L'Avignon Football Club : Une ascension et des défis

Le club accède au statut professionnel dès 1942 et le conserve jusqu'en 1948. Le club est rebaptisé « Olympique Avignonais » après une fusion avec le club du quartier de Saint-Jean. Avignon accède en D1 au printemps 1975 après des barrages contre le FC Rouen, deuxième du Groupe A de D2. La saison 1975-1976 est catastrophique : 20e et dernier avec 38 matches joués, pour 20 Points, 7 victoires, 6 nuls, 23 défaites, 30 buts marqués et 80 buts encaissés.

Malgré un court passage en D4 (1983-1984), le club refait surface et retrouve la D2 de 1989 à 1991. Cette embellie ne dure pas, et après de gros problèmes financiers, le club est relégué par la DNCG. Sa longue descente aux enfers commence. Le club est rebaptisé « Club Olympique Avignonais » en 1992 suite à la fusion avec le Sporting Club Avignonais, en 1996 le CO Avignon dépose le bilan, le club est rebaptisé Football Club Avignon.

Le déclin progressif et les mutations de la sociabilité

Toutefois, à partir de la fin des années 1960, le stade doit faire face à la concurrence d’autres divertissements comme la télévision et à la mobilité de l’automobile. À de rares exceptions près, l’histoire du sport ne s’est pas particulièrement penchée sur le stade de football au village. Jusqu’à récemment, l’histoire du sport a privilégié l’étude des grandes enceintes du sport-spectacle, des manifestations sportives compétitives, la dimension architecturale des infrastructures sportives sous les régimes autoritaires, ou encore les fonctions des grands stades.

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Dans quelle mesure le stade de football devient-il le creuset de la sociabilité sportive au village en Vaucluse entre les années 1920 et 1980 ? En s’appuyant sur une approche micro-historique et l’exploitation d’archives publiques et privées inédites, cet article propose d’analyser d’abord le stade de football comme un lieu inédit de sociabilité villageoise en Vaucluse durant l’entre-deux-guerres. Plus qu’un simple espace de pratique sportive, le stade se révèle être un creuset où se tissent des liens sociaux, où se négocient des identités collectives et où s’incarne une forme de modernité rurale dans les années 1940-1950, jusqu’à son déclin progressif à partir des années 1960, reflet des mutations sociales et culturelles des villages du Vaucluse. Si ce département constitue un cas d’étude particulièrement intéressant, il ne saurait pour autant être considéré comme représentatif de l’ensemble des campagnes françaises.

Bilan et perspectives

L'histoire du club de football d'Avignon est un reflet des transformations sociales, économiques et culturelles qui ont marqué le Vaucluse et la France entière. D'un lieu de sociabilité villageoise et de cristallisation des identités, le stade a évolué au gré des époques, confronté à la concurrence des nouveaux médias et des mutations des modes de vie. Malgré les défis et les difficultés, le football reste un sport populaire et un élément important de la culture locale, témoignant de la passion et de l'engagement des Avignonnais pour leur club et leur communauté.

Annexes

Classement historique des clubs français de football

Si l'on additionne le nombre de points glanés par chaque club dans l'élite (en harmonisant avec une victoire à 3 points), la tête est occupée par l'Olympique de Marseille, avec 4 297 points. Les Phocéens devancent l'AS Monaco de plus de 300 unités (3 956 points). Le PSG, lui, arrive « que » à la 7e position mais, signe d'une certaine domination, compte de très loin la meilleure différence de buts (+ 1 134) et le meilleur ratio de points par match (1,73).

Voici le classement de toutes les saisons cumulées (les clubs en gras étaient en Ligue 1 pour la saison 2024-25, les clubs en italique ont disparu) :

1) Olympique de Marseille - 4 297 points2) AS Monaco - 3 956 pts3) Girondins de Bordeaux - 3 918 pts4) AS Saint-Etienne - 3 882 pts5) Olympique Lyonnais - 3 763 pts6) Lille OSC - 3 449 pts7) Paris Saint-Germain - 3 358 pts8) OGC Nice - 3 327 pts9) Stade Rennais - 3 215 pts10) FC Nantes - 3 214 pts11) FC Sochaux - 3 207 pts12) RC Lens - 3 185 pts13) RC Strasbourg - 2 984 pts14) FC Metz - 2 859 pts15) Stade de Reims - 2 161 pts16) Montpellier HSC - 1 940 pts17) AJ Auxerre - 1 872 pts18) Nîmes Olympique - 1 791 pts19) SC Bastia - 1 601 pts20) Toulouse FC (1970) - 1 583 pts21) Racing Club de France - 1 504 pts22) Valenciennes FC - 1 463 pts23) Angers SCO - 1 451 pts24) AS Nancy Lorraine - 1 426 pts25) CS Sedan Ardennes - 1 102 pts26) Le Havre AC - 1 077 pts27) Toulouse FC (1937) - 965 pts28) AS Cannes - 932 pts29) FC Rouen - 860 pts30) Stade Brestois - 845 pts31) Stade Malherbe de Caen - 784 pts32) FC Lorient - 747 pts33) FC Sète - 705 pts34) ESTAC Troyes - 702 pts35) FC Nancy - 666 pts36) Stade Français - 648 pts37) Stade Lavallois - 616 pts38) En Avant Guingamp - 572 pts39) Red Star - 568 pts40) AC Ajaccio - 548 pts41) SC Toulon - 529 pts42) CO Roubaix-Tourcoing - 473 pts43) Olympique Lillois - 326 pts44) Excelsior Roubaix - 272 pts45) SC Fives - 269 pts46) Le Mans FC - 264 pts47) FC Antibes - 238pts48) Dijon FCO - 206 pts49) FC Mulhouse - 188 pts50) Evian Thonon Gaillard - 171 pts51) Tours FC - 170 pts52) Olympique Alès - 170 pts53) Grenoble Foot - 141 pts54) Limoges - 139 pts55) Angoulême Charente - 123 pts56) Paris FC -122 pts57) Clermont Foot - 120 pts58) FC Martigues - 117 pts59) Amiens SC - 106 pts60) RC Roubaix - 90 pts61) SC Nîmes - 83 pts62) Chamois Niortais - 43 pts63) SR Colmar - 43 pts64) CA Paris-Charenton - 43 pts65) Lyon OU - 42 pts66) FC Gueugnon - 38 pts67) GFC Ajaccio - 37 pts68) AS Béziers - 33 pts69) FC Istres - 32 pts70) La Berrichonne de Châteauroux - 31 pts71) US Boulogne - 31 pts72) AC Avignon - 27 pts73) Aix-en-Provence - 26 pts74) AC Arles-Avignon - 20 pts75) Club Français - 18 pts76) Hyères FC - 16 pts

Les confrontations entre le Stade Rennais et Avignon

Dans sa riche histoire, le Stade Rennais FC n’a rencontré les Provençaux qu’à trois reprises, mais s’il y a bien une confrontation qui mérite d’être retracée - c’est bien celle des épiques matches aller/retour de l’exercice 1979-1980. Outre la victoire face à Avignon en 1967 (3-1, en Coupe de France, avec un doublé de Sylvester Takac notamment), le SRFC a défié le club de la Cité des Papes dans le cadre des barrages, il y a 30 ans de cela.

En terminant second du groupe A, grâce à ses 19 victoires et ses 8 matches nuls (60 buts marqués pour 30 encaissés), le Stade rennais manque de peu l’obtention d’un accessit direct pour la première division. Contraint de disputer les barrages d’accession, il doit d’abord affronter l’Olympique Avignonnais, second du groupe B derrière l’AJ Auxerre de l’emblématique Guy Roux.

Lors de première confrontation au stade de la route de Lorient, et devant une relative faible affluence pour une rencontre de cette importance (6.986 spectateurs seulement), les joueurs rennais sont sur le pont… mais ne parviennent pas à prendre le dessus sur la formation vauclusienne, les deux équipes se séparant sur un score nul et vierge (0-0). Un résultat très positif pour l’OA, et qui s’avère être un net avantage avant de recevoir son homologue stadiste pour la "revanche" au parc des sports d’Avignon. Trois jours plus tard, les hommes de Pierre Garcia s’inclinent finalement 3 buts à 2 malgré les réalisations de René Izquierdo et Robert Llorens. Le Stade rennais doit donc disputer en 1980-1981 une quatrième saison de suite en deuxième division. De son côté, l’Olympique Avignonnais échoue finalement au second tour des barrages contre l’Olympique Lyonnais, dix-huitième de première division (0-6 à Lyon, puis 4-2 à Avignon). Les "Blanc et Bleu" restent en Division 2. La suite sera moins glorieuse pour le club provençal.

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